Pourquoi illusoire ?
Disons que depuis le temps, il s’est passé énormément de choses. Des rencontres, des pauses, des hésitations, des doutes, de l’envie, des fantasmes, de la discussion, beaucoup de discussion, des rencontres brèves, des longues pauses, des rencontres plus longues, des rencontres brèves mélangées avec des rencontres longues et au milieu de tout ça, le plus important, un événement très très très heureux.
Alors plusieurs fois je me suis tâté à poster, à raconter. Souvent j’ai pris le temps d’écrire. Et toujours j’ai retardé la publication.
Car pour avoir envie de publier, j’ai envie que ce que j’écris vienne de mes tripes, que ça me fasse bander, que ça me fasse mal. Or, souvent, ce qui m’excite le plus dans cette relation et dans ces rencontres, ce n’est pas ce qui se passe au lit. C’est ce qui précède, ce qui suit et ce qui accompagne la rencontre. C’est l’attitude de Julie avec moi. Les mots qu’elle choisit pour me raconter ce qu’elle a fait, mais aussi ce qu’elle n’a pas osé faire, mais surtout ce qu’elle aimerait oser faire.
Et puis, tout mon « travail » personnel. Le travail silencieux, intérieur, pour combattre mes craintes, mes doutes, mes peurs. Mon envie de la pousser pour franchir un nouveau tabou confronté à mes doutes. Ma complicité avec Julie.
Il y a le moment où l’idée naît. Souvent une idée suggérée par Julie. Puis l’idée me travaille, elle prend son temps pour germer en moi, se développer, et un jour, sans savoir pourquoi, le fruit est mûr. Ce jour là peut survenir quelques heures après que l’idée ait été suggérée. Parfois c’est plusieurs années plus tard. Mais il y a toujours ce moment magique, qui est là sans trop savoir pourquoi, pendant lequel il est évident que le fruit mûr doit être consommé. Ce moment est la conjugaison parfaite d’un état d’esprit, d’un lieu, et d’une discussion. Alors naturellement je trouve les mots justes et Julie les valide tout aussi naturellement. Son tabou vient d’être franchi dans sa tête. Il reste à le concrétiser. Et là encore, c’est une question de temps. Temps des préparatifs, temps de l’action. Parfois quelques heures entre la discussion et l’acte. Parfois quelques années.
La métamorphose de la Julie copine modèle, collègue modèle, jeune mère de famille modèle en salope affamé de sexe ne se produit pas pour moi au moment où la bite d’un autre fouille le fond de sa gorge ou le fond de son ventre. Elle se produit avant, quand lors d’une discussion, Julie me confirme timidement que ça lui plairait bien d’essayer ça. Elle se produit surtout après, quand au départ gênée, elle choisit les mots pour me raconter son expérience, puis poussée par mes questions elle se lâche de plus en plus, et c’est avec une totale assurance qu’elle finit par revendiquer et assumer le plaisir qu’un autre lui a procuré.
J’aimerai pouvoir ne décrire que ces moments là. Mais je manque cruellement de savoir faire et de technique. A chaque fois que j’ai essayé je me suis heurté à un mur. Ce que j’écrivais n’avait pas de force, était trop pâle, par rapport au vécu.
Comment décrire le moment où Julie décide de se donner ? Il y a d’abord le moment où l’envie nait en elle. Il y a le moment où elle verbalise cette envie dans une discussion avec moi. Il y a encore le moment où elle prend la décision de vivre l’envie. Il y a ensuite le moment de la rencontre. Il y a après le moment de l’acte qui va donner vie à cette envie. Et pendant l’acte lui-même, il y a une multitude de moments où Julie va prendre puis exécuter des décisions de se donner et des décisions de prendre. Comment décrire chacun de ces moments avec autant de force que lorsqu’ils sont vécus ?
Un exemple d’un dialogue avec Julie :
Moi : et ça t’a plu ?
Elle : je me suis enroulée autour de lui.
Un dialogue qui n’évoquera rien pour la plupart des lecteurs. Un dialogue qui continue à me faire bander moi qui connais Julie. En l’occurrence, elle me racontait un moment précis pendant une rencontre. L’amant était en train de la prendre en missionnaire. Il l’embrassait dans le cou, lui léchait l’oreille, lui caressait le visage d’une main et lui tenait une cheville de l’autre. Submergée par le plaisir, Julie avait passé ses jambes autour de ses hanches. Je me suis enroulée autour de lui. Dans cette scène, moi qui connais Julie, moi qui ai vécu ces moments avec elle, je sais exactement ce qu’elle me décrit. Elle me décrit ce moment où son cerveau a tout oublié, où il n’existe plus que le plaisir que son amant lui donne. Puis il y a la prise de décision de se donner complétement à cet amant. De s’enrouler autour de lui pour lui signifier de continuer. De lui donner la possibilité d’entrer plus profondément. De lui intimer de ne surtout pas avoir l’idée de s’arrêter. De l’inviter à la prendre plus fort, à la pilonner.
Oui, le simple je me suis enroulée autour de lui de Julie évoque tout cela et bien plus en moi. Mais ça ne résout pas mon problème : comment le décrire ?
Alors je vais essayer de reprendre le récit dans l’ordre chronologique. Je choisirai d’oublier beaucoup de moments. Je choisirai d’en enjoliver certains. Je choisirai carrément d’en imaginer d’autres. Car c’est dans ces moments imaginés, dans ces scènes qui n’ont pas encore existé, que je parviens le mieux à décrire un simple « je me suis enroulée autour de lui ». Pour moi, Julie n’est jamais aussi salope, aussi excitante, aussi bandante, que quand elle prononce ces quelques mots en me regardant droit dans les yeux. Et c’est pour réussir à décrire à quel point elle est salope à ce moment là, que je vais continuer à prendre des libertés avec la réalité.
Pour ceux qui ont suivi mes récits depuis le début, vous savez que Julie a mis beaucoup de temps à accepter l’idée de voir d’autres hommes. Vous savez que la première expérience, l’élément déclencheur, s’est produit il y a pratiquement quatre ans maintenant. Et c’était initialement une mauvaise expérience pour moi puisque Julie n’avait respecté aucun de nos accords. Puis petit à petit, par le biais de jeux que j’organisais et auxquels elle acceptait de participer, nous avons réussi à avoir de vraies expériences candaulistes.
Julie a toujours eu beaucoup de mal à coucher avec un inconnu juste pour coucher avec lui. Elle avait besoin de connaitre un minimum la personne, de partager un minimum si ce n’est des sentiments au moins des affinités. Et lorsque ça se passait bien elle avait envie de revoir son amant plusieurs fois. En gros, elle a toujours préférée vivre une vraie histoire plutôt qu’une expérience sexuelle.
De mon côté, c’est l’inverse qui m’intéressait. Disons que c’était beaucoup plus rassurant de mon point de vue. Alors la plupart des jeux que j’inventais, des règles et tabous que je fixais, allaient vers cet objectif. Et même si Julie acceptait de jouer à ces jeux, il était évident qu’elle prenait bien plus de plaisir lorsqu’elle vivait son histoire avec Lucas que lorsqu’elle couchait avec un inconnu.
J’ai mis beaucoup de temps à réaliser que la prise de risque, la vraie, pouvait me procurer bien plus de plaisir que le contrôle que je voulais garder sur la situation. D’un autre côté, ces expériences « organisés » étaient probablement nécessaires pour que j’arrive à cette prise de conscience. Elles servaient à tisser un lien de confiance nouveau entre moi et Julie, conduisant ainsi pas à pas et inéluctablement vers la seule conclusion qui s’imposait, à savoir une liberté quasi absolue de Julie non seulement dans le choix des hommes mais aussi dans la manière dont elle voulait vivre ses expériences.
L’histoire de Julie avec Lucas m’a beaucoup servi dans cette prise de conscience. Même si j’avais plus ou moins accepté les demandes de Julie à l’époque, j’avais tout fait pour garder le contrôle sur la situation. Plus Julie s’épanouissait dans son histoire avec Lucas, plus je lui demandais de participer à mes jeux, cherchant sans doute à détériorer leur relation. Ainsi, pendant les vacances, Julie avait couchée avec trois inconnus à ma demande. Aucun de ces trois amants d’un soir ne lui avait procuré du plaisir. Au retour des vacances, elle avait revu Lucas une seule fois. Puis sans jamais réellement m’expliquer pourquoi, elle avait décidée de mettre un terme à leur relation.
Malgré l’insistance de Lucas et ses relances, elle ne voulait plus en entendre parler. Et nos jeux étaient bien entendu au point mort. Pendant pratiquement trois mois, Julie s’était totalement refermé. Elle refusait de parler de Lucas ou d’envisager tout type de jeux que je pouvais lui proposer. Même notre vie sexuelle en avait pris un coup.
Puis un soir, alors qu’elle rentrait d’une soirée filles, l’air de rien, dans le cours d’une discussion banale, elle m’avoua avoir été draguée par le serveur. Julie ne me raconte jamais quand elle se fait draguer, sauf si celui qui la drague lui plait. Je profitais de cette petite brèche pour lui demande si le garçon lui plaisait. Elle m’avoua qu’il était très mignon mais aussi très jeune. Dix neuf ou vingt ans maximum selon elle. Et puis, très vite, elle referma la porte décrétant que de toute façon il était hors de question qu’il se passe quoi que ce soit.
Néanmoins, elle retourna de plus en plus souvent dans ce bar toujours en compagnie d’une ou deux amies. Quelques semaines plus tard, toujours dans une discussion banale, toujours l’air de rien, elle m’avoua qu’une de ses amies, que je connais, dont je connais l’homme avec qui elle vit depuis sept ans, couchait de temps en temps avec le serveur en question. La poussant dans ses retranchements, elle finit par me faire la confidence qu’elle s’était masturbée plusieurs fois en s’imaginant avec lui. Par exemple à la fermeture du bar, prise sur un baril de bière. Un peu étrange comme idée mais si ça l’excitait après tout pourquoi pas. Elle continuait à insister sur le fait qu’elle ne ferait rien avec ce garçon mais je la sentais de moins en moins résolue. Je savais que son excitation ne venait pas seulement du garçon mais aussi des confidences que son amie devait lui faire. Et dont elle ne me racontait que quelques bribes.
Et j’avais raison puisque moins de deux semaines plus tard, un samedi soir, alors qu’elle était de nouveau sortie dans ce même bar, je reçus sur les coups de 2h30 du matin un message :
« Finalement j’ai craquée. Je suis chez Yann. Il vit dans un tout petit studio mais le lit a l’air confortable. Ne m’attends pas. Gros bisous mon cœur. »
Le temps de lire le message et d’essayer de la rappeler, je tombais directement sur sa messagerie. Elle avait coupé son téléphone. Et je passais une nuit blanche d’excitation à l’attendre jusqu’au petit matin. Elle ne rentra que le lendemain après-midi me trouvant endormi sur le canapé du salon. Pas maquillée, souriante, elle était tout simplement resplendissante. Elle dégageait autour d’elle une aura de bonheur.
Sans me laisser le temps d’engager la discussion elle prit les devants.
- Mon chéri, je sais exactement tout ce que tu veux me demander. Je sais tout ce que tu veux savoir. Mais stp laisses moi profiter un peu. Je n’ai pas du tout envie de te dire combien de fois on l’a fait, dans quelles positions on l’a fait, qu’est ce qu’il m’a dit pendant qu’on l’a fait. Sache juste que c’était génial. Il a été très doux. Très attentionné. Et j’ai adorée.
Elle me posa un baiser sur le front avant de disparaitre vers la salle de bain. Puis sa tête réapparut par l’entrebâillement de la porte :
- Ah. Il n’a pas été que doux hein. Sinon je ne serais pas restée aussi longtemps.
Et elle disparut pour de bon en pouffant de rire.
Ce soir-là on fit l’amour comme on ne l’avait plus fait depuis des mois. Le lendemain aussi d’ailleurs. Et même si c’était extrêmement difficile, je réussis à respecter sa volonté et ne lui demander aucun détail de sa soirée.